« A l’autre bout de la mer », Giulio Cavalli

Photographie de la couverture du livre « A l’autre bout de la mer », de Giulio Cavalli


Cela fait un certain temps que je m’interrogeais sur les bienfaits des coloriages pour adultes, que je voyais un peu partout. Confronté à une couverture aussi belle que difficile à illustrer, j’ai senti qu’il était temps de les tester. Verdict, il n’y a pas à dire, c’est une activité parfaite pour se détendre et se vider la tête ! Vous avez déjà testé ?


DF est une petite ville côtière italienne comme les autres. Elle a ses pêcheurs, son curé, son entrepreneur véreux, son maire haut en couleur et sa chaîne d’actualité locale et vivote tant bien que mal. Mais un jour, un cadavre est découvert provenant de la mer ; puis un autre, et enfin des vagues de milliers d’autres. Sans que les autorités locales puissent y trouver une explication. Livrée à elle-même par l’incurie de l’État italien, la petite commune va devoir se débrouiller par elle-même et mettre en place une stratégie aussi originale que glaçante pour se mettre à l’abri de ces vagues et se développer.

« A l’autre bout de la mer » est un livre réellement déroutant qu’il faut prendre le temps d’appréhender. L’intrigue est longue à se mettre en place et le lecteur a du mal à rentrer dedans. L’écriture nerveuse et très déliée de l’auteur, faite de très longues phrases (jusqu’à une demi page) juxtaposant les locuteurs et les points de vue n’est pas là pour faciliter les choses. Par ailleurs, attention, les descriptions, notamment concernant les cadavres, sont assez brutes de décoffrage et contribuent à mettre en place une atmosphère assez macabre mais en même temps terriblement réaliste. Tous les ingrédients pour une mauvaise critique ? Seulement à partir de la moitié du livre, les choses se mettent progressivement en place. Ce qui était apparu comme des longueurs semble beaucoup plus justifié pour mettre en exergue les décisions prises par cette microsociété et sa dérive progressive vers le repli sur soi et l’autodétermination. Le lecteur va tout d’abord ressentir une certaine compassion pour ces êtes abandonnés à leur sort du fait de l’inaction étatique et qui doivent se débrouiller par eux-mêmes. Mais petit à petit, le sentiment de malaise grandit et le discours qui apparaissait sensé à première vue dérive vers une approche autoritaire dystopique basée sur l’exploitation des morts. Elle met en place une préférence locale fondée sur un lien avec la terre et le sang mais aussi l’histoire des lieux et des habitants. Le roman fait évidemment écho à la situation des migrants tentant de traverser la Méditerranée et dont chaque Etat parait tenter de rejeter la responsabilité de leur gestion sur les autres (ainsi le fameux mur construit par DF). Mais il fait également écho à la montée des populismes un peu partout dans le monde, qui contribue à ce rejet de « l’autre », pour reprendre le terme tant utilisé par les personnages de Giulio Cavalli.


Un livre exigeant mais en même temps fascinant qui happera le lecteur et le poussera à s’interroger sur son humanité et sur ses rapports à « l’autre ».

Vous avez aimé ? Je vous invite à découvrir une autre vague, celle de Todd Strasser, dans laquelle l’expérience menée par un professeur d’histoire va transformer l’atmosphère d’un paisible lycée californien en microcosme totalitaire

« A l’autre bout de la mer », Giulio Cavalli, Éditions de l’Observatoire, 224 pages.

4 commentaires

  1. Je suis tout à fait d’accord concernant l’aspect dérangeant et déroutant du livre. Personnellement je n’ai pas eu de problème avec la première partie du livre, j’ai été happée dès le début mais je peux comprendre que le style et notamment ces phrases très longues peuvent gêner à la lecture. Ce roman m’a particulièrement touchée et révoltée, de par son traitement du sort des migrants et de la montée des populismes. C’est évidemment une dystopie, mais ce qui est effrayant je trouve c’est ce glissement de la réalité à l’horreur…

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire