Je dois dire que pendant des mois j’ai un peu fui comme la peste (sans mauvais jeu de mot) toute la littérature qui a fleuri autour des virus et des épidémies. Mais cela ne m’a pas empêché de craquer pour ce livre dont ‘j’avais déjà entendu parler quand je l’ai vu me faire de l’œil dans la vitrine de ma librairie de quartier. 

Moscou, 1939. Un biologiste qui travaille sur une souche particulièrement virulente de la peste se rend à Moscou pour présenter les résultats de ses travaux. Sur place, il se rend compte qu’il a été contaminé et que toutes les personnes qu’il a pu croiser pendant son voyage pouvaient également l’être. Les autorités vont devoir tout mettre en œuvre pour éviter une épidémie dévastatrice. Dans un Etat totalitaire alors en pleine période de purges, ce ne sera pas sans conséquences. 

« Ce n’était que la peste » est un roman très cinématographique fondé sur un projet de scénario écrit par l’autrice. Il multiplie les variations de points de vue au niveau des personnages et des lieux et à ce titre peut apparaître assez déroutant dans un premier temps. Néanmoins le résultat est très dynamique et agréable à suivre. Le lecteur prend beaucoup de plaisir à constater comment l’appareil répressif soviétique, coutumier des arrestations arbitraires et d’une justice biaisée tente de juguler tout risque d’une épidémie de peste. Ainsi, il se trouve pour une fois mis en œuvre pour le bien de toute la population soviétique ! Les réactions des différents protagonistes sont très intéressantes et constituent une critique à peine voilée du système soviétique (le texte datant de 1988). Les mises en quarantaine des personnes ayant côtoyé le biologiste ressemblant fort à des arrestations politiques, elles vont donner lieu à des réactions en chaîne (dénonciation, fuite, suicide…) Une touche d’humour particulièrement sombre donc pour une très jolie découverte tout à fait de circonstance en ce moment !

« Ce n’était que la peste », Ludmila Oulitskaia , Gallimard, 144 pages