« Au printemps on coupe les ailes des oiseaux », Marion Guénard

Parmi les titres que je voulais voir figurer dans la première sélection du prix Orange du livre 2022, il m’en restait un à vous présenter. Malheureusement entre temps a eu lieu la première délibération du jury et « Au printemps on coupe les ailes des oiseaux » ne fait pas partie de la sélection. Mais cela ne m’empêche pas de vous le présenter et de vous dire tout le bien que j’en ai pensé !

Kaouthar est égyptienne. Elle avait vingt ans lorsque la révolution a éclaté au Caire. Dix ans plus tard, les chars des militaires ont écrasé ses espoirs et sa colère. Sa vie ressemble à un rêve brisé. Mariam vit à Paris. Fille de parents égyptiens immigrés en France, elle a tout réussi. La révolution égyptienne réveille en elle des souvenirs enfouis, le sentiment obscur mais tenace d’être passée à côté de sa vie. Un matin, elle disparaît brutalement. Antoine se lance à sa recherche en Egypte. Au Caire, il rencontre une bande de révolutionnaires, encore debout malgré la férocité du pouvoir…

« Au printemps on coupe les ailes des oiseaux » est un texte lumineux qui nous transporte au cœur de cette génération qui a été partie prenante et même initiatrice du printemps arabe en Egypte et qui s’est trouvée ensuite dépossédée de ses rêves de démocratie et de liberté. Avec les différents personnages, nous revivons cette période grandiose où tout semblai possible, même se débarrasser d’un pouvoir honni qui paraissait totalement inamovible. Mais la désillusion est à la hauteur des espoirs suscités. La construction du roman est très intéressante et permet d’appréhender les différents points de vue des acteurs sur place et en dehors en France. Car les différents acteurs du Printemps arabe vont vivre différemment les évènements et cette dépossession, l’un tentant malgré tout de continuer à faire vivre ses idéaux, l’autre se résolvant à passer à autre chose et le dernier sombrant dans la dépression et le renoncement. Marion Guénard parvient à magnifiquement restituer les attentes et les espoirs de cette génération et son désespoir quand le pouvoir militaire, après s’être servi d’elle pour accéder au pouvoir, a repris la main et enterré tous leurs rêves.
Un livre triste mais vivant, sombre mais lumineux, marqué par la désillusion mais en même temps porteur d’espoir. Une vraie réussite en définitive.

« Au printemps on coupe les ailes des oiseaux », Marion Guénard , L’Aube, 304 pages.

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