
Deuxième livre reçu dans le cadre du prix des Lecteurs du Livre de poche, catégorie Documentaires et Essais. Justement, j’avais repéré ce titre à sa sortie en grand format et attendant patiemment sa sortie en poche pour me plonger dedans. Le hasard fait bien les choses !
Membre convaincu du parti nazi dès 1923, aveuglément soutenu par son épouse Charlotte, Otto von Wächter a rapidement intégré l’élite hitlérienne, devenant notamment, au début de la Seconde Guerre mondiale, gouverneur de Cracovie en Pologne, puis gouverneur du district de Galicie, dans l’ouest de l’Ukraine actuelle – deux territoires qui furent le théâtre de l’extermination des Juifs. En 1945, après la défaite du Reich, il parvient à fuir, se cache dans les Alpes autrichiennes avant de rejoindre Rome et le Vatican, qui abrite l’une des principales filières d’exfiltration des nazis vers l’Amérique du Sud. C’est là qu’il trouve la mort, en 1949, dans des circonstances étranges. Comment a-t-il pu se soustraire à la justice, de quelles complicités a-t-il bénéficié ? A-t-il été réduit au silence ?
« La filière » est le fruit du travail colossal – près de 8 ans – de l’auteur, juriste et écrivain, et de son équipe de recherche. Le résultat est assez déroutant et particulièrement dense. Il entrecroise les éléments de biographie d’Otto Wachter et de sa famille avec les éléments qui ont constitué le processus de recherche de l’auteur pour comprendre les circonstances de son parcours et de son décès. Si sur la forme le résultat est par moment un peu indigeste, sur le fond, il est tout à fait fascinant. Plus de 70 ans après les faits, le parcours de cet ancien nazi s’éclaire et les révélations s’enchaînent. Le regard de ses descendants est très intéressant à découvrir, entre volonté de garder une image idéalisée de l’ancêtre, refus de voir les choses en face et difficultés à assumer un héritage non désiré et sur lequel on n’a finalement pas de prise. Une problématique qui ne se limite pas à cette famille en particulier d’ailleurs. Le livre nous éclaire enfin sur les collusions qui ont pu naître après la fin de la seconde guerre mondiale, et même au cours des derniers mois du conflit, sur fond de lutte contre la menace communiste. Elles ont pu permettre à des crminiels de guerre de bénéficier de soutiens et d’appuis de la part de l’Eglise et des pouvoirs politiques, américains notamment, pour fuir grâce à des filières d’exfiltration. Quand ce n’était pas pour bénéficier d’offres de services des ennemis d’hier.
Un livre édifiant porté par un travail de recherche et de documentation colossal !
« La filière », Philippe Sands, Le livre de poche, 672 pages.
