
Jusqu’où la haine de notre famille pourrait-elle nous pousser ? Ça sonne comme un sujet de bac, ou alors de polar. Et pourtant c’est dans un roman que nous allons plonger tout de suite !
La narratrice est traductrice free-lance pour l’UNESCO ainsi que des maisons d’éditions. Petit clin d’œil à Andrei Kourkov, elle travaille sur la traduction d’un roman ukrainien dont le héros vit avec un pingouin. Mais le projet qui l’occupe actuellement est tout autre : faire sortir sa mère enfermée dans un corps qu’elle ne contrôle plus, de l’institution dans laquelle elle est depuis cinq ans et la ramener chez elle. Avec un objectif simple : la faire mourir à petit feu.
« Aimez-vous les uns les autres » est un roman très troublant. D’un côté, le lecteur ne peut que s’attacher à son héroïne, notamment en tenant compte de son histoire personnelle difficile. Néanmoins, il ne peut pas faire totalement abstraction de son projet. Installer sa mère, qui au final ne semble pas être autre chose qu’un légume, pour la faire mourir à petit feu, est loin d’être anodin et incite forcément à la réflexion, dans un premier temps sur les facultés psychologiques de l’héroïne, puis dans un deuxième temps sur la question de l’euthanasie. La construction du récit est très intéressante puisque le lecteur va découvrir petit à petit les détails de la jeunesse de la jeune femme en même temps que les raisons qui la poussent à autant haïr sa mère et à vouloir mettre en œuvre un tel projet. Le lecteur prend un certain plaisir en même temps qu’il est mal à l’aise, à la suivre et à la voir essayer d’esquiver la bonne volonté assez oppressante des membres du corps médical. Quant à la moralité du projet, est-ce que cette prétendue vengeance tardive ne dissimulerait pas la volonté de mettre un terme aux souffrances maternelle ? Libre à chacun de juger…
A noter, ce roman contient des scènes de sexe assez violentes.
« Aimez-vous les uns les autres », Maruska Le Moing, Gallimard, 166 pages.