
Julian a abandonné son travail à la City pour une librairie à Norfolk, une petite ville de la côte est anglaise. Mais à peine est-il installé qu’il fait la connaissance d’Edward, immigré polonais habitant la vaste demeure en bordure de la ville. Celui-ci semble en savoir beaucoup sur sa famille, et porter trop d’intérêt à la bonne marche de son entreprise. Et lorsqu’une lettre dénonçant la présence d’une taupe parvient entre les mains des services secrets, l’enquête les conduit jusqu’à cette paisible localité du Norfolk.
« L’espion qui aimait les livres » est très bien construit, adoptant tout d’abord des points de vue de personnages extérieurs au monde de l’espionnage pour mieux souligner toute son opacité pour les non-initiés comme Julian ou le lecteur. Apparaissent ensuite les personnages initiés que sont Proctor et surtout Edward. Celui-ci apparait tout simplement fascinant, semblant prendre plaisir à manipuler tout le monde sans jamais totalement se dévoiler, pour mener sa barque comme il l’entend. Son rôle réel en même temps que son positionnement, figurent en creux dans l’ensemble du livre et tiennent en haleine le lecteur jusqu’aux dernières pages.
« L’espion qui aimait les livres » constitue le roman du monde réel de l’espionnage, bien loin de l’image fantasmée véhiculée par James Bond notamment. Le livre nous présente un monde moins clinquant, fait d’écoutes, de surveillance et de messages transmis par des intermédiaires. Un monde qui parait un peu suranné avec ses HC, les Honorables Correspondants et ses agents qui peuvent être simples, doubles voire même triples. John Le Carré partage une vision désabusée des services secrets britanniques pris dans des considérations politiques, un monde qui a perdu de sa superbe. Il souligne également les doutes qui peuvent habiter les agents, aussi bien face à un sacerdoce qui ne s’arrête en fait véritablement jamais, mais aussi face à des choix qu’ils peuvent ne plus cautionner. Au-delà, il questionne l’efficacité, l’utilité même d’un service qui semble ne plus avoir les moyens, les certitudes et la vision d’ensemble suffisants.
« L’espion qui aimait les livres », John Le Carré , Le Seuil, 240 pages.