« Nos étoiles les plus filantes », Estelle-Sarah Bulle

Cet été j’ai eu le plaisir grâce aux éditions Liana Levi de voyager jusqu’au Brésil. « Nos étoiles les plus filantes » faisait partie des livres qui me tentaient le plus parmi tous ceux qui vont paraître dans les prochaines semaines. Et le résultat est à la hauteur de mes espérances !

 

« Nos étoiles les plus filantes » est le récit imaginaire du célèbre film « Orfeu negro » de Marcel Camus, de son tournage en 1958 à sa consécration avec la Palme d’or du festival de Cannes en 1959. Réécriture du mythe d’Orphée et d’Eurydice, le film a pour cadre une favela de Rio de Janeiro où joie et tragédie vont cohabiter. Au-delà de l’histoire personnelle et des attentes des différents comédiens amateurs noirs qui constituent le casting du tournage, le projet va susciter les attentions et l’intérêt des autorités aussi bien brésiliennes que françaises et américaines. 


« Nos étoiles les plus filantes » est un superbe roman qui immerge totalement le lecteur dans tout le processus de création du film. Il en suit les étapes successives au travers des regards de ses différents protagonistes : comédiens mais aussi musiciens ainsi que tous ceux qui ont pu graviter, de près ou de loin autour du tournage. La multiplication des points de vue ne nuit pas du tout à l’intrigue, bien au contraire. En effet, Estelle-Sarah Bulle parvient parfaitement à faire exister chaque personnage. Ainsi, le lecteur va découvrir le parcours de chacun mais également ses sentiments ainsi que ses attentes liées au film. L’ensemble sonne particulièrement juste et parvient à l’emporter avec lui. Le livre illustre tout un pan de l’histoire du Brésil avec sa parenthèse démocratique et son désir de construction d’une nation menacée par l’influence néfaste et grandissante des militaires et des pressions extérieures. En parallèle, le lecteur assiste à la naissance et l’essor de la Bossa Nova mais également sa récupération commerciale par les Etats-Unis. Mais surtout en filigrane transparaissent le racisme et la ségrégation, présents dans toutes les sphères. Ainsi les autorités brésiliennes sont plus soucieuses de renvoyer une image de carte postale du pays, quitte pour cela à tenter de gommer la présence des favelas et des populations qui les habitent. La situation n’est pas meilleure dans le cinéma, aussi bien français qu’américain, où être une femme noire semble condamner votre carrière à se heurter à un plafond de verre. Car comme le dit le journaliste François Chalais à l’actrice principale métis, du film : « Evidemment, vous ne pourrez jamais interpréter la Dame aux Camélias ».  


Pour tous ses protagonistes, le film a constitué une sorte de parenthèse dans une période de bouillonnement artistique tant du point de vue cinématographique que musical. Et leurs espoirs d’ascension ne dépasseront pas, face aux réalités sociologiques et politiques de leur époque, le stade des étoiles filantes figurant au titre du livre. Un livre à ne pas rater lors de cette rentrée littéraire.

« Nos étoiles les plus filantes », Estelle-Sarah Bulle, Liana Levi, 432 pages.

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